Abolition du numéraire = abolition de la souveraineté

par Marita Brune-Koch

(22 mars 2024) Il est si pratique de payer avec sa carte, d’effectuer toutes ses opérations bancaires depuis chez soi, de payer dans le train ou le bus avec une application. Dans le cadre des mesures anti-Covid, on nous a inculqué qu’il fallait faire même ses petits paiements sans espèces, puisque c’est plus hygiénique. Pourquoi donc encore utiliser de l’argent liquide? En fait, on est confronté à de fortes tentatives au niveau national et international pour supprimer l’argent liquide. En y regardant de plus près, on constate que ces efforts ne visent pas vraiment le confort et la sécurité du citoyen.

Quelle est la situation actuelle?

En Suisse, toute personne est tenue par la loi d’accepter 100 pièces de monnaie et billets de banque d’un montant illimité. Mais cela n’est pas non plus absolu: si un propriétaire de magasin indique clairement à ses clients qu’il n’autorise que les paiements sans espèces, le client doit s’y conformer.

Dans les pays de l’UE, on peut payer au maximum 10 000 euros en espèces. La même somme en cash peut être importés dans un autre pays. La Suisse soutient cette disposition de l’UE par des contrôles aux frontières. Chez nous comme dans de nombreux autres pays, de nombreuses factures ne peuvent plus être réglées en espèces: le loyer, l’électricité, le téléphone, la redevance audiovisuelle, les impôts, etc. Aujourd’hui déjà, les personnes qui n’ont pas de compte bancaire sont pratiquement exclues des opérations de paiement vitales. Il n’y a plus guère de salaires versés en numéraire. Il s’avère de plus en plus difficile de voyager en transports publics uniquement avec de l’argent comptant: il y a de moins en moins de points de vente, les automates sont supprimés, l’achat de billets par carte ou smartphone est l’objectif déclaré. Ce n’est pas seulement le cas en Suisse. Aujourd’hui déjà, c’est un énorme problème pour les passagers malvoyants ou pour les personnes âgées – et pour tous ceux dont le smartphone n’a plus de courant ou qui l’ont oublié chez eux.

En Allemagne, il est interdit d’acquérir des biens immobiliers avec de l’argent liquide, et les métaux précieux ne peuvent être achetés que jusqu’à une valeur de 2000 euros. La possession d’or ou d’argent acheté par le biais d’un compte en banque sera donc toujours connu. Lors du risque d’une imposition plus élevée ou même d’une expropriation, ces réserves ne pourront aider leur propriétaire à se tirer d’une situation de détresse que de manière limitée.

Dans notre pays voisin, l’Allemagne, les partis politiques doivent toujours déclarer leurs dons, c’est pourquoi ils ne peuvent être effectués en espèces. Cela a des inconvénients dans un Etat de moins en moins démocratique: un gouvernement peut ainsi assécher l’opposition.

L'argent liquide est absolument nécessaire pour
préserver notre liberté, notre liberté privée et celle
de nos nations. (Photo mbk)

On prévoit de supprimer tout argent liquide

Malgré les promesses contraires, la tendance est à l’abolition du numéraire. L’économiste Beat Kappeler s’inquiète: «Le Fonds monétaire international propage publiquement l’idée que chaque banque centrale devrait émettre une monnaie numérique avec laquelle les gens devraient effectuer leurs paiements. Parallèlement, l’argent numéraire serait progressivement dévalué par rapport à la monnaie numérique. A terme, le cash deviendrait ainsi un moyen de paiement de second ordre, dont finalement plus personne ne voudra.»1

L’Inde est déjà le pays ayant le plus sévèrement réprimé l’argent comptant en le remplaçant par la roupie numérique. Désormais, on prévoit de mettre en place une «monnaie fonctionnalisée», c’est-à-dire une monnaie programmable: liée à un lieu, à une heure et/ou à un but spécifique.

En Allemagne aussi, la «carte de paiement» va être introduite pour les demandeurs d’asile. Ils ne recevront plus de cash, mais uniquement une carte avec laquelle ils pourront acheter certaines marchandises dans une zone déterminée. Cela devrait avoir un effet moins attractif sur eux. A première vue, c’est une idée qui tombe sous le sens. Mais qu’en est-il, si c’était un test pour d’autres parties de la population? Pour les chômeurs, les bénéficiaires de l’aide sociale, les couches de revenus inférieures, les personnes «politiquement incorrectes» à qui l’on refuse un compte en banque? A Hanovre, il existe déjà la «SocialCard», qui est délivrée aux bénéficiaires de l’aide sociale. Est-ce le modèle pour tous, à l’exception peut-être de certaines élites? Cela permettrait également de contrôler et d’orienter le comportement des citoyens: on obtiendrait de l’argent que pour certains produits et seulement en cas de bonne conduite.

La ville des 15 minutes

Au Canada, il existe désormais une première ville des 15 minutes. La ville est divisée en 15 zones et les habitants de chaque zone doivent pouvoir accéder en moins de 15 minutes à pied à tout ce dont ils ont besoin pour vivre dans leur zone. Mais que se passe-t-il s’ils veulent se déplacer en dehors de «leur zone»? Des frais élevés seront alors appliqués, des caméras à reconnaissance faciale installées et toute transaction en espèces supprimée. Ainsi, plus personne ne pourra se déplacer sans être reconnu dans une zone qui n’est pas la sienne.2 Dans ce cas, les cartes de paiement seraient aussi très pratiques: on peut les aménager de manière à ce que les «consommateurs» ne puissent les utiliser que dans leur propre zone.

Mais même sans ville des 15 minutes et sans carte de paiement, la situation pourrait être difficile. Chaque paiement sans numéraire est entièrement traçable, aussi bien l’émetteur que le récepteur. Ce n’est pas vraiment un gage de liberté civile et politique.

Avec l’argent numérique, l’Etat a accès au patrimoine du citoyen

Il n’est plus possible non plus de conserver des valeurs patrimoniales en espèces pour d’éventuelles urgences, car si l’argent liquide n’a plus cours, les économies conservées à la maison ne valent plus rien. L’économiste Kappeler met en garde contre la suppression de l’argent numéraire: «On remet son patrimoine entre les mains de quelques banques centrales et de conseillers fédéraux. On se place dans une situation qui contredit l’idéal du citoyen libre face à l’Etat. Un regard sur l’histoire, même récente, montre à quel point les gouvernements sont rapidement prêts à dépouiller les citoyens de leur argent. Cela vaut également pour les pays démocratiques.»3

Kappeler renforce sa mise en garde par des exemples tirés de l’histoire récente: avant l’introduction de l’euro, l’Italie a «prélevé quelques pour mille de tous les avoirs bancaires et les a versés au trésor public». Cela a représenté plusieurs milliards transférés à l’Etat. Les détenteurs de comptes n’ont rien remarqué, parce que le passage de la lire à l’euro a de toute façon entraîné des différences de valeurs.

Chypre 2013, crise bancaire. Le FMI, la BCE et la Commission européenne voulaient «que tous les avoirs des clients dans les banques chypriotes soient convertis en actions de ces banques. On voulait donc exproprier tous les déposants et les épargnants. Le tollé provoqué par cet acte monstrueux contraire à toutes règles de l’Etat de droit était trop grossier pour que ce projet soit mis en œuvre. Mais cette affaire illustre que les hautes instances monétaires n’hésitent pas à recourir à des moyens drastiques. Les possibilités de contrôle des avoirs bancaires existent, les gouvernements peuvent enlever, confisquer, taxer.»4

Et que se passe-t-il en cas de crash bancaire? En Grèce, les guichets ont été fermés, l’argent numéraire n’était plus délivré que de manière limitée. «Aucune banque ne survit à une panique bancaire [Bank Run]» s’est également appliqué dans le contexte de la chute du CS. Toute banque devient en peu de temps illiquide si de nombreux clients veulent tous en même temps récupérer leur argent.

Complexe financier numérique

L’abolition de l’argent en espèces n’est depuis belle lurette plus au stade de la planification. Dès 2013, le FMI a proposé de prélever une taxe sur le numéraire afin de dissuader les gens de l’utiliser.

Le spécialiste des finances Ernst Wolff explique que le «complexe financier numérique» pousse à l’abolition de l’argent numéraire dans le monde entier. Les gestionnaires de fortune BlackRock, Vanguard et State Street Fidelity sont les promoteurs d’un agenda mondial. Ils forment une symbiose avec les grands groupes informatiques Apple, Microsoft, Meta, Alphabet et Emerson. Ces cinq entreprises sont immensément puissantes, elles ont ensemble une valeur boursière de 11,6 billions de dollars.

Les gestionnaires de fortune BlackRock et consorts sont les principaux administrateurs de ces groupes informatiques. Les grandes banques, qui ont jusqu’à présent déterminé l’économie mondiale, sont repoussées par cette nouvelle fusion. Les gestionnaires de fortune domineront dans un avenir proche l’ensemble de l’économie mondiale.5

En fin de compte, une monnaie mondiale est prévue. Le FMI travaille déjà à la coordination des différentes monnaies. En attendant, la BCE doit distribuer de la monnaie numérique aux citoyens. Ernst Wolff met en garde: «Si la monnaie mondiale centrale sort, nous n’aurons plus qu’une seule entreprise en arrière-plan qui nous dominera tous, et elle s’appelle BlackRock.»

L’argent liquide, c’est la liberté

L’argent liquide est donc absolument nécessaire pour préserver notre liberté, notre liberté privée et celle de nos nations. Des initiatives politiques ont déjà été lancées pour garantir l’argent numéraire. L’initiative populaire fédérale «L’argent liquide, c’est la liberté» a déjà abouti et sera prochainement soumise au vote du peuple. Elle demande que la Confédération suisse garantisse «que les pièces de monnaie et les billets de banque soient à tout moment disponibles en quantité suffisante» et que le remplacement du franc suisse par une autre monnaie soit «soumis à l’approbation du peuple et des cantons». Cela mettrait un terme à l’obligation de n’utiliser que de la monnaie numérique et obligerait la Confédération à ne pas adhérer à l’euro ni à une éventuelle monnaie mondiale sans avoir préalablement consulté les citoyens lors d’une votation populaire.

Une autre initiative est en cours de récolte de signatures. Elle demande que «Quiconque veut payer en argent liquide doit pouvoir le faire!» L’objectif est de garantir que toute personne puisse payer en espèces partout, y compris lors de fêtes populaires, dans les établissements publics, dans les transports publics, etc.6 L’expiration du délai imparti pour la récolte des signatures est le 21 septembre 2024.

Les choses bougent également au niveau international: le mouvement citoyen espagnol Iusticia Europa a lancé une initiative contre la société sans argent numéraire.

Il y a donc des personnes et des groupes qui reconnaissent les dangers de l’abolition du numéraire et qui s’y opposent. Ils ont besoin de notre soutien.

(Traduction «Point de vue Suisse»)

1 Beat Kappeler dans une interview accordée à Katharina Fontana: «Pour les citoyens, cela devient dangereux quand il n’y a plus d’argent liquide». «Neue Zürcher Zeitung» du 4 février 2023.

2 Multipolar news, 14 février 2024

3 Beat Kappeler dans une interview accordée à Katharina Fontana: «Pour les citoyens, cela devient dangereux lorsqu’il n’y a plus d’argent liquide». «Neue Zürcher Zeitung» du 4 février 2023

4 idem.

5 Ernst Wolff sur le site AUF1 du 15 février 2024

6 Initiative populaire fédérale ‘Qui veut payer en argent liquide doit pouvoir le faire!’ contact@fbschweiz.ch

Initiative populaire fédérale
«Qui veut payer en argent liquide
doit pouvoir le faire!»

Texte complet de l'initiative:
https://www.bk.admin.ch/ch/f/pore/vi/vis546t.html

Début de la récolte des signatures: 21 mars 2023

Expiration du délai imparti
pour la récolte des signatures: 21 septembre 2024

Pour de plus amples information:
https://fbschweiz.ch/index.php/fr/ich-zahle-bar-fr

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