Tout est en jeu – pas seulement pour l'Iran

Les Etats-Unis profondément impliqués dans la planification de l'attaque israélienne

par René Zittlau*

(27 juin 2025) (CH-S) Dans une analyse limpide, l'analyste René Zittlau montre les conséquences géopolitiques et les liens entre l'attaque d'Israël contre l'Iran. Il apparaît clairement que l'administration américaine est beaucoup plus impliquée dans la préparation de l'attaque qu'il n'y paraît.

Les multiples violations du droit international ne le rendront pas caduc, mais le développement d'une communauté mondiale pacifique sera considérablement retardé.

* * *

René Zittlau. (Photo
voicefromrussia.ch)

Le monde court à sa perte. Sous Trump, les Etats-Unis semblent encore moins capables que sous Biden de maîtriser leurs propres problèmes. La coexistence pacifique avec autrui semble devenir une vision utopique du monde.

Si l'humanité survit à la crise qui a éclaté avec l'attaque d'Israël et des Etats-Unis contre l'Iran et qui menace d'influencer les événements mondiaux bien au-delà de l'Iran et d'Israël, les historiens et les enseignants expliqueront un jour à leurs étudiants et à leurs élèves que le vendredi 13 juin 2025, l'ordre international d'après-guerre créé après la Seconde Guerre mondiale – le fameux droit international – a définitivement cessé d'exister.

Cet ordre, fondé sur la Charte des Nations Unies et défini par écrit dans une multitude de traités internationaux, repose sur un minimum de confiance entre les Etats, acquis de haute lutte. Il a été mis à l'épreuve à maintes reprises par des violations du droit et des guerres.

Mais jamais depuis 1945 le monde n'a été trompé de manière aussi ostensible, arrogante et délibérée que ce qu'ont fait Israël, en la personne de son Premier ministre Netanyahou, et les Etats-Unis, en la personne de leur président Trump, le 13 juin 2025. En tant qu'«hommes d'Etat», ils ont déclaré au monde entier, avec le plus grand sérieux, qu'ils devaient attaquer l'Iran à titre préventif afin de protéger Israël. L'Iran, un pays qui n'a pas attaqué un autre pays depuis des siècles et qui n'est absolument pas orienté vers une guerre offensive.

En dehors du G7 et des Etats dépendants qui gravitent dans son orbite, les Etats-Unis ont perdu tout leur crédit politique avec cette approche, notamment auprès de l'Iran, de la Chine et de la Russie, mais également auprès du Pakistan ou d'une grande partie de l'Afrique, par exemple. Il est impossible de prévoir l'ampleur des bouleversements politiques que cette mise à nu des intérêts hégémoniques des Etats-Unis et de leurs vassaux, en direct et en temps réel, va provoquer à l'échelle mondiale.

La guerre d'Israël contre l'Iran pourrait durer longtemps. Elle divisera le monde d'une manière que nous ne pouvons pas encore imaginer aujourd'hui.

La carte montre les bases radar sous contrôle américain au Proche-Orient. Sans les
Etats-Unis, Israël n'est absolument pas en mesure de «voir» l'Iran. (Photo mad)

La Maison Blanche est politiquement nue

Depuis des années, l'opinion publique mondiale est habituée aux mensonges d'Israël, fondés sur une déformation délibérée des faits. Cependant, les mensonges éhontés du président américain au sujet de la guerre contre l'Iran déclenchée par Israël ont atteint un niveau sans précédent. Sa moquerie à l'égard des scientifiques et des politiciens iraniens victimes d'assassinats prémédités va changer la coexistence politique des peuples. Sa personnalité narcissique n'a tout simplement pas permis au président américain de rester en retrait lorsque le Premier ministre israélien a annoncé sa prétendue victoire le 13 juin 2025. Il ne pouvait tout simplement pas s'empêcher de dire au monde entier: oui, mais sans nous, cela n'aurait pas été possible.

L'Occident contre l'Iran

Ainsi, l'esprit dans la bouteille, connu depuis longtemps et à satiété de tous les observateurs attentifs, a été libéré: les Etats-Unis ont été directement impliqués dans la planification et l'exécution de l'attaque israélienne contre l'Iran.

Quelques jours avant l'attaque, ils ont fourni les missiles Hellfire utilisés pour exécuter les scientifiques iraniens.

Ils ont fourni des informations des services secrets. Ils ont ravitaillé les bombardiers israéliens au-dessus de la Syrie, ce qui constitue en soi une violation massive du droit international. Selon certaines informations, l'esprit guerrier allemand se serait également réveillé, de sorte que le gouvernement allemand envoie également ses avions.

Les Etats-Unis ont également joué et continuent de jouer un rôle déterminant dans la détection et l'identification des missiles et des drones lancés par l'Iran en réponse à Israël.

Mais la participation des Etats-Unis ne s'arrête pas là. Des avions de combat américains participent activement à la lutte contre les drones et les missiles iraniens. Cela ne se passe pas dans l'espace aérien israélien, mais dans le ciel de l'Irak, de la Syrie et de la Jordanie. Ils sont aidés dans cette tâche par leurs collègues de l'OTAN, la Grande-Bretagne et la France.

Au large des côtes israéliennes, cette tâche est assurée par le destroyer américain USS Thomas Hudner, qui a été dépêché à cet effet depuis la Méditerranée occidentale.

Le soutien ouvert de l'Occident à la guerre d'Israël contre l'Iran va donc bien au-delà de ce qui est «habituel» en Ukraine.

Sur le front diplomatique également, on remarque que les pays de l'OTAN agissent de concert. La France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne ont publié une condamnation pratiquement identique, non pas de l'attaque israélienne contre l'Iran, mais de la défense de l'Iran contre cette attaque.

L'Occident aide également Israël d'autres manières. En prévision de vives réactions iraniennes, Israël a transféré ses avions civils à Chypre et ses avions militaires vers une base aérienne britannique à Chypre.

L'observation attentive des détails du soutien apporté à Israël révèle toutefois des faits significatifs pour le conflit ukrainien.

Le retrait rendu public ces derniers jours des systèmes de défense aérienne américains de type «Patriot» d'Ukraine vers Israël prouve à sa manière que l'Ukraine n'est qu'un moyen pour les Etats-Unis dans leur guerre non déclarée contre la Russie. Il montre également que l'Ukraine n'a manifestement aucune souveraineté sur les armes fournies par l'Occident. Seul celui qui détient le contrôle, qui tire les ficelles, peut retirer à sa guise des systèmes d'armement pertinents pour le déroulement de la guerre.

L'AIEA – une antenne de l'OTAN, de la CIA et du MI-6

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) est une organisation spécialisée des Nations Unies. Selon ses statuts, elle œuvre en faveur d'une utilisation pacifique et sûre de l'énergie nucléaire et a créé à cette fin des normes internationales. Malheureusement, comme presque toutes les sous-organisations de l'ONU et les organisations sportives internationales – par exemple le CIO, la FIFA – ainsi que des organisations telles que l'OSCE, elle a également une autre facette, plus sombre. En effet, toutes ces organisations ont été infiltrées par l'Occident et sont ainsi devenues le jouet de celui-ci dans sa quête insatiable d'une domination mondiale unipolaire.

Les activités de l'AIEA à l'égard de l'Iran rappellent davantage la mafia qu'une organisation internationale autrefois sérieuse. L'Iran a une nouvelle fois payé très cher son ouverture à l'égard de l'AIEA et de ses inspecteurs.

A la lumière des événements, la résolution de l'AIEA sur l'Iran du 12 juin 2025 apparaît comme un document commandé par l'OTAN et Israël. Elle accuse l'Iran d'avoir délibérément violé ses accords avec l'AIEA. Dans la pratique, l'Iran n'a même pas eu le temps de réagir aux reproches dans un délai raisonnable. A cela s'ajoute que l'Iran espérait une avancée décisive sur la question nucléaire lors des négociations prévues le 15 juin 2025 avec les Etats-Unis à Oman. Il avait d'ailleurs déclaré publiquement à l'avance qu'il était prêt à accepter pratiquement toutes les exigences qui lui seraient imposées.

Mais les Etats-Unis ont utilisé ces négociations prévues comme couverture pour l'agression lancée contre l'Iran avec Israël le 12 juin 2025.

Et un autre détail est effrayant: quelques jours avant l'attaque, les services secrets iraniens ont rendu public le fait qu'ils avaient mis la main sur des documents explosifs concernant le programme nucléaire israélien. Dans ces documents, les Iraniens ont trouvé les données personnelles des scientifiques nucléaires iraniens qui ont été assassinés le 12 juin 2025 par Israël, notamment à l'aide de missiles Hellfire, et qui devaient faire partie de la délégation iranienne à Oman le 15 juin 2025.

Les documents saisis indiquent qu'Israël avait obtenu ces données de l'AIEA – des données qui ont conduit à la mort immédiate des scientifiques.1

La mosquée Lotfollah au centre d'Ispahan. (Photo hr)

Pourquoi Israël et les Etats-Unis exacerbent-ils les tensions en ce moment précis?

Les préparatifs de l'attaque contre l'Iran étaient de longue date, comme l'ont volontiers admis les responsables israéliens. La date de l'attaque n'était donc pas le fruit du hasard.

Compte tenu des négociations nucléaires prévues entre les Etats-Unis et l'Iran à Oman, les Iraniens étaient manifestement convaincus de la bonne volonté des Américains. Ils s'attendaient certes à une éventuelle attaque militaire israélienne, mais «après» les négociations. Et surtout, ils ne s'attendaient pas à une attaque venant de l'intérieur de leur propre pays.

L'un des principaux objectifs d'Israël était et reste d'entraîner les Etats-Unis dans une guerre contre l'Iran. Car sans les Etats-Unis, Israël n'est pas en mesure de vaincre l'Iran par des moyens conventionnels.

Les faits suivants montrent clairement que les Etats-Unis devaient être profondément impliqués dans la planification de l'attaque. En effet, pour «tenir l'Iran responsable» de ses recherches nucléaires, il fallait provoquer un conflit avant octobre 2025. En effet, le traité entre l'AIEA et l'Iran expire en octobre 2025. Après son expiration, l'Iran sera libre de faire ce qu'il juge bon.

Un autre point important pour la date de la guerre est le fait que les Etats-Unis perdront le contrôle de l'espace aérien irakien dès septembre 2025, conformément à un accord conclu avec le gouvernement irakien. Sans ce contrôle, Israël aurait dû planifier les choses de manière complètement différente.

Mais ce ne sont là que des considérations tactiques avant le grand objectif stratégique.

L'Iran est un Etat clé des BRICS. Et les BRICS eux-mêmes représentent un défi économique, social et politique énorme pour l'ensemble de l'Occident. Ce groupe d'Etats est supérieur à l'Occident dans pratiquement tous les paramètres clés. A cela s'ajoute l'étroite interdépendance des BRICS avec l'OPEP [Organisation des pays exportateurs de pétrole] et également avec les Etats africains et asiatiques.

Au cours des derniers mois, l'Occident a multiplié les efforts pour séduire ou faire pression sur l'un ou l'autre des membres des BRICS. Le récent conflit entre le Pakistan et l'Inde présente également des aspects similaires.

Israël et les Etats-Unis veulent faire d'une pierre deux coups. Un changement de régime rétablirait l'ordre occidental souhaité au Proche-Orient, y compris l'accès tant convoité aux ressources naturelles iraniennes. Dans le même temps, cela porterait un coup dur au groupe BRICS.

Une leçon pour la Russie

La manière dont les Etats-Unis ont trahi l'Iran a dû être suivie de très près par la Russie. Cette démarche aura également ouvert les yeux des derniers sceptiques de la politique russe sur Donald Trump et la nature des avances américaines envers la Russie.

Une sortie de l'Iran des BRICS poserait des problèmes considérables à la Russie. Le corridor de transport nord-sud envisagé entre le nord de la Russie, l'Azerbaïdjan et l'Inde via l'Iran n'est pas réalisable sans l'Iran.

Sans l'Iran, la Chine perdrait son plus grand fournisseur de gaz naturel. Ce n'est sans doute pas un hasard si Israël a mis le feu au plus grand gisement de gaz au monde en Iran.

Sans l'Iran, les BRICS perdraient leur équilibre interne.

Le véritable objectif de l'attaque n'est donc pas l'Iran, mais les BRICS. Cela conduira également à des réflexions et à des décisions similaires à Moscou et à Pékin.

Ce sera une lutte des géants – l'Occident contre les BRICS, y compris le Sud global. Les indicateurs économiques parlent en faveur des BRICS, ce qui pourrait bien pousser un Occident blessé à recourir à l'arme ultime: la bombe atomique.

Comment l'Iran va-t-il réagir?

L'histoire des relations avec l'Occident est longue et douloureuse pour l'Iran. A plusieurs reprises, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont changé ou tenté de changer par la force le cours de l'histoire de ce pays riche en matières premières. Le coup d'Etat occidental contre le gouvernement démocratiquement élu de Mossadegh en 1953 a des répercussions jusqu'à aujourd'hui.

L'Iran a donc de bonnes raisons de se méfier des offres occidentales, d'autant plus qu'il doit choisir entre la peste et le choléra, entre la capitulation avec changement de régime ou la soumission économique. Cette dernière option impliquant toutefois un changement de régime.

Les événements de ces dernières heures et de ces derniers jours pourraient inciter l'Iran à se lancer dans la construction d'une bombe atomique. Ce n'est pas une confirmation de la part de l'Occident, mais une leçon douloureuse. Car face à une bombe atomique iranienne, Israël et les Etats-Unis n'auraient pas osé attaquer l'Iran.

Le professeur Marandi de l'Université de Téhéran fait référence à l'histoire de l'Iran dans une interview.2 L'Iran n'a jamais dépendu d'individus particuliers lors des périodes difficiles de son histoire. Il y a toujours eu des attentats extérieurs contre des dirigeants politiques et des commandants militaires dans le but de modifier le développement du pays. Lors de la guerre en Irak, le président a été tué, puis le Premier ministre et de nombreux commandants militaires, sans que les objectifs liés à ces assassinats aient été atteints.

Selon lui, malgré tous les problèmes, les Iraniens soutiennent clairement les dirigeants du pays. «Le pays est uni comme je ne l'ai jamais vu auparavant.»

Il en arrive donc à la conclusion suivante: «Nous devons nous assurer que c'était une erreur et que cela ne se reproduira plus jamais. Les relations de l'Iran avec l'Occident vont changer fondamentalement.»

Perspectives

La destruction de l'ordre international, la destruction du droit international sont en marche. Quand il n'y a plus de confiance, quand les traités, le droit et la loi ne valent plus rien, c'est un retour à la loi du plus fort. Un retour à la loi du plus puissant.

Lorsque l'Europe a autrefois surmonté ce principe de la loi du plus fort, nous étions en 1648. Après 30 ans de guerre, elle a enfin compris.

L'Occident, qui s'est développé à partir de l'Europe de la Paix de Westphalie, se trouve, face aux réalités de l'année 2025, dans une phase de dégénérescence politique et culturelle, c'est-à-dire de déclin, de régression, de dégénérescence. Lorsque la loi du plus fort, la force brute, semble redevenir l'agenda politique déterminant, alors nous nous retrouvons à nouveau au niveau de la fin du Moyen Âge. Que nous réserve alors l'avenir?

* René Zittlau, né en 1960, est diplômé en médiation linguistique (équivalent à des études de slavistique complétées par une formation d'interprète). Il a travaillé pour les services de renseignement, puis dans le secteur privé en tant que directeur général d'entreprises de différents secteurs, principalement dans les pays d'Europe centrale et orientale. Son expérience acquise lors de longs séjours dans ces pays et sa maîtrise de plusieurs langues d'Europe de l'Est – russe, tchèque, slovaque – lui permettent d'avoir un regard indépendant sur les processus politiques et économiques dans ces pays. Il travaille actuellement pour «Voice from Russia».

Source: Première publication sur https://globalbridge.ch/es-geht-um-alles-nicht-nur-fuer-den-iran/, 18 juin 2025 ensuite sur https://voicefromrussia.ch/es-geht-um-alles-nicht-nur-fur-den-iran/

(Traduction «Point de vue Suisse»)

1 https://www.youtube.com/watch?v=9L-A8bx8-X0 (à partir de la minute 16:50)

2 https://www.youtube.com/watch?v=7bzgC-alNlo, 12 juin 2025

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